First published: April 2017
Comment Mélenchon aborde-t-il la question de la réduction des inégalités et du financement de la hausse des transferts qu’il promet ? La manière directe consiste à intervenir sur l’échelle des revenus du travail, i.e. les revenus primaires, en modifiant le SMIC (+16%) ou en fixant un écart maximum des salaires au sein d’une entreprise (1 à 20). L’autre manière consiste à redistribuer la richesse en taxant les revenus primaires et transférer les ressources entre ménages sous la forme d’un impôt progressif et d’une prime à l’emploi (et autres transferts pour les ménages modestes) sans affecter la distribution de revenus primaires. Dans ce post, nous argumentons en faveur de l’usage de l’impôt et des transferts car cela permet de redistributer entre ceux qui sont avantagés ou qui ont de la chance à un certain moment du temps en limitant les conséquences macroéconomiques néfastes.
Intervention directe sur l’échelle des salaires
Nous avons amplement l’effet de la hausse du SMIC ici. Nous avons montré que si vouloir diminuer les inégalités des revenus est un très bon objectif, la hausse du SMIC n’est pas l’outil le mieux adapté. Modifier le salaire n’est pas le meilleur moyen car il a aussi des conséquences macroéconomiques potentiellement néfastes – le chômage.
L’écart de 1 à 20 au sein des entreprises. Le principe me plait. Mais deux raisons me font penser que cela n’est vraiment pas la meilleure façon de réduire les écarts de revenus. Tout d’abord, cette mesure va pousser les entreprises à externaliser certaines parties de leur production et/ou se redécouper en plus petites entités afin que le haut et le bas de la hiérarchie ne se trouvent plus au sein de la même entité juridique. Ensuite, la concurrence pour attirer les meilleurs managers est désormais internationale pour ces individus et il ne fait aucun doute qu’ils ne voudront pas revenir travailler dans une entreprise française si leur salaire est deux à trois inférieur à ce qu’il est dans des pays voisins. Cela pourrait avoir des conséquences sur les capacités des entreprises françaises à se développer et à innover au mieux de leur potentialités.
Intervention indirecte, redistribution des revenus et promotion de la mobilité sociale
La hausse du barème de l’impôt sur le revenu et le taux sur la tranche supérieure à 100% au-delà de 33 000 euros par mois a de quoi rappeler les Etats-Unis des années 40 et 50. La hausse de la progressivité de l’impôt est le meilleur moyen de redistribuer de la richesse entre les agents au sein de nos économies modernes. Elle limite les inégalités des revenus sans intervenir sur la distribution des salaires. C’est une mesure extrêmement positive. L’argument de la fuite des élites reste cependant à prendre en compte et il faut se poser la question des taux maximums à mettre en place.
La hausse de l’ISF est aussi un très bon moyen de promouvoir l’égalité des chances entre les individus en limitant la transmission des richesses entre générations et le creusement des niveaux de richesses entre individus au cours du temps. La principale peur des économistes face à une telle mesure est la baisse de l’incitation à épargner et donc une baisse du capital disponible pour une économie. A cet argument, l’on peut répondre que dans une économie internationalisée, l’épargne nationale perd de son importance puisque le capital peut être importé de l’étranger. Ensuite, il n’est pas clair ce qu’est un « bon niveau d’épargne ». Il n’est pas clair que plus d’épargne soit toujours mieux.
La hausse de la taxe sur l’héritage et l’investissement dans l’éducation des jeunes dès le plus jeune âge est une manière extrêmement efficace d’augmenter la mobilité et de limiter la reproduction sociale, c’est-à-dire d’augmenter la mobilité sociale et économique au sein de la société.
En conclusion, ne cherchons pas à intervenir directement sur les bas-salaires. Ne touchons pas aux salaires mais augmentons la progressivité de l’impôt et les transferts aux bas salaires. Car ce qui compte pour un ménage, c’est le revenu qu’il touche après impôt et transfert, pas le salaire que l’entreprise verse. Certains diront que tout travail mérite un juste salaire ! Nous répondons que pour les emplois les moins qualifiés, ce juste salaire peut se construire comme la somme du salaire de marché et d’un salaire socialisé, transféré à travers l’Etat.